Reléguée autrefois au second plan, le DevSecOps place la sécurité au centre du processus de développement du logiciel. Bien au-delà d’un simple concept technique, le DevSecOps propose une véritable philosophie : celle d’une collaboration fluide et continue entre développeurs, équipes de sécurité et opérateurs. Une méthode pensée non pas pour freiner l’innovation, mais pour l’ancrer dans une logique de confiance et de robustesse.
Longtemps, la sécurité informatique a souffert de son image d’élément bloquant, générateur de lenteurs et de surcoûts. Le DevSecOps brise ce cliché en intégrant la sécurité dès les premières lignes de code. Il ne s’agit pas simplement d’ajouter des vérifications à chaque étape, mais de transformer les mentalités : faire de chaque développeur un acteur de la sécurité, en collaboration étroite avec les experts. Il s’agit de s’appuyer sur des principes structurants, dont trois se démarquent particulièrement.
Shift Left : l’anticipation comme arme stratégique
La tentation de privilégier la vitesse sur la sécurité est grande. Pourtant, cette approche peut engendrer des conséquences peu souhaitables, les cyberattaques exploitant souvent des failles laissées ouvertes par manque d’anticipation. C’est ici qu’intervient le concept de Shift Left, une méthode qui redéfinit le processus de développement logiciel en intégrant la sécurité dès les premières étapes. Non seulement ce principe réduit les risques, mais il optimise également les coûts et accélère les délais de livraison.
Comprendre le Shift Left : une nouvelle approche du développement
Traditionnellement, dans les cycles de développement, la sécurité était reléguée aux phases finales, après le développement et avant la mise en production. Le Shift Left propose de déplacer ces tests critiques vers les premières étapes du processus, comme la phase de planification ou de création. Une approche proactive qui consiste à anticiper les besoins en sécurité et à identifier les vulnérabilités potentielles avant même que le code ne soit totalement écrit.
Cette méthodologie, au cœur du DevSecOps, vise à éliminer les barrières entre les équipes de développement, de sécurité et d’exploitation. Elle assure une intégration fluide des pratiques de sécurité, tout en maintenant la cadence et la qualité du développement.
Les bénéfices concrets d’une approche Shift Left
Réduction des coûts, meilleure qualité du produit, gain de temps, collaboration renforcée… l’implémentation du Shift Left offre plusieurs avantages, tant pour les développeurs que pour les entreprises :
- Plus une vulnérabilité est détectée tôt, moins elle coûte à corriger. Selon le Comité Français des Tests Logiciels (CFTL), le coût de correction d'un défaut détecté lors de la phase de conception générale est évalué à 1 €, tandis que ce même défaut découvert en production peut coûter jusqu'à 1 000 €, soit une différence d'un facteur 1 à 1 000 ;
- En intégrant la sécurité dès le départ, les équipes développent des applications plus robustes et fiables, réduisant le risque de bugs ou de failles post-déploiement ;
- L’automatisation des tests de sécurité permet de détecter et corriger les erreurs en temps réel, accélérant ainsi l’ensemble du cycle de développement ;
- En rapprochant développeurs, équipes de sécurité et opérationnels dès la conception, le Shift Left favorise une culture de transparence et de collaboration ;
- Les applications conçues avec une attention particulière à la sécurité et à la performance répondent mieux aux attentes des utilisateurs finaux, renforçant leur confiance.
Principes fondamentaux pour adopter le Shift Left
Pour intégrer efficacement le Shift Left dans votre stratégie DevSecOps, quatre étapes clés peuvent être suivies :
- Définir une stratégie de sécurité claire
Avant même de commencer un projet, il s’agit d’établir des politiques de sécurité robustes et de déterminer qui sera responsable de chaque étape. Cela inclut la mise en place de protocoles pour identifier et remédier aux vulnérabilités dès leur apparition.
- Automatiser les tests de sécurité
L’un des piliers du Shift Left est l’automatisation. Les outils tels que le Static Application Security Testing (SAST) permettent de scanner le code dès sa création pour détecter des failles potentielles. De plus, l’automatisation réduit le risque d’erreurs humaines tout en accélérant les retours sur les vulnérabilités.
- Favoriser une culture de transparence et de collaboration
La réussite du Shift Left repose sur la communication entre les équipes. En intégrant des experts en sécurité dès la planification, on réduit les malentendus et on instaure une dynamique collective visant à anticiper les risques.
- Miser sur des outils avancés
L’utilisation de technologies comme le Dynamic Application Security Testing (DAST) ou le Software Composition Analysis (SCA) aide à identifier et gérer les vulnérabilités tout au long du cycle de vie du développement.
Pourquoi le Shift Left est une nécessité stratégique
Dans un environnement où les cybermenaces évoluent à un rythme effréné, repousser la sécurité aux dernières étapes n’est plus viable. Le Shift Left permet de prévenir les problèmes avant qu’ils ne deviennent critiques, réduisant les interruptions et les coûts liés aux correctifs de dernière minute.
Security Champions, les sentinelles du code
Le principe de “Security Champion” a été recommandé par l’OWASP (dans le chapitre 4 de leur guide sur la culture de la sécurité). Les “Security Champions” sont des collaborateurs au sein d'une organisation qui jouent un rôle clé et intermédiaire entre les équipes techniques et les spécialistes en cybersécurité
Un rôle pivot dans les équipes de développement
En maîtrisant les spécificités du code et des processus internes, les Security Champions traduisent les exigences de sécurité en actions concrètes, adaptées au contexte technique et humain de leur environnement. Ce rôle dépasse la simple exécution technique : il s’agit d’évangéliser, de guider et de fédérer.
Concrètement, un Security Champion veille à ce que les bonnes pratiques soient respectées, identifie les risques en amont, et participe activement à des initiatives comme la modélisation des menaces ou les revues de code. Grâce à leur double casquette – technique et sécuritaire – ils fluidifient la communication entre les développeurs et les experts en cybersécurité, souvent perçus comme des entités extérieures.
Construire un programme de Security Champions : une stratégie de transformation
Pour qu’un programme de Security Champions atteigne son plein potentiel, il doit être pensé comme un levier de transformation. Tout commence par l’identification des bonnes personnes.
Un Security Champion doit être volontaire, curieux, et avoir un intérêt pour la cybersécurité. L’adhésion du management est clé : un champion doit pouvoir consacrer une partie de son temps à ses responsabilités sécuritaires, même si cela implique de réduire légèrement son activité de développement. Ce compromis est vite rentabilisé par la réduction des vulnérabilités et les économies réalisées en évitant des correctifs coûteux en aval.
Une fois les champions désignés, la clé est de leur fournir des outils et des ressources adaptées. Une formation continue, des ateliers collaboratifs et un accès à des experts en sécurité permettent de maintenir leur engagement et de développer leurs compétences. De plus, un canal de communication dédié – qu’il s’agisse d’un groupe de discussion en ligne ou de réunions régulières – renforce leur sentiment d’appartenance et leur efficacité.
L’impact sur la culture de sécurité
Au-delà de leurs actions quotidiennes, les Security Champions ont un rôle essentiel dans la transformation culturelle des organisations. En sensibilisant leurs collègues, en vulgarisant des concepts parfois complexes, ils démystifient la cybersécurité et la rendent accessible à tous.
Leur influence se mesure également dans la réduction des silos entre les équipes. Grâce à leur positionnement, ils favorisent une collaboration plus fluide entre développeurs et experts en sécurité. Ce rapprochement, souvent considéré comme l’un des défis majeurs du DevSecOps, devient une réalité grâce à leur médiation.
Les résultats d’un programme bien structuré
Un programme de Security Champions bien pensé ne tarde pas à porter ses fruits. Les équipes gagnent en maturité face aux enjeux de sécurité. Les vulnérabilités critiques sont détectées et corrigées plus tôt, ce qui réduit non seulement les coûts, mais également les délais de mise en production. Enfin, les produits livrés inspirent davantage de confiance, tant en interne qu’auprès des utilisateurs.
Evil User Stories : se projeter dans l’esprit des attaquants pour mieux les contrer
Dans un contexte où les cyberattaques gagnent en sophistication, la capacité d’anticiper les scénarios malveillants devient un atout stratégique majeur. C’est précisément ce que permettent les Evil User Stories (EUS). Inspirées des méthodologies agiles, elles s’inscrivent dans une démarche proactive visant à identifier et corriger les vulnérabilités dès les premières étapes du développement logiciel.
Qu’est-ce qu’une Evil User Story (EUS) ?
Les Evil User Stories, ou récits d’utilisateurs malveillants, adoptent le point de vue d’un attaquant potentiel (comme le font aussi nos pentesteurs). Contrairement aux User Stories classiques, qui décrivent les besoins et attentes d’utilisateurs légitimes, les EUS se concentrent sur les motivations, méthodes et impacts possibles des actions malveillantes. Elles se structurent ainsi :
- Persona malveillant : une représentation d’un attaquant type (pirate, collaborateur malintentionné, hacktiviste, etc.).
- Activité malveillante : l’action que cet attaquant pourrait entreprendre.
- Impact : les conséquences potentielles de cette action sur l’application ou les utilisateurs.
Une méthodologie ancrée dans l’agilité
Les Evil User Stories tirent parti de la philosophie agile, qui valorise l’adaptabilité et la collaboration continue. Tout comme les User Stories traditionnelles, elles sont intégrées au backlog du projet et priorisées lors des sprints. L’avantage de l’approche est qu’elle permet de traiter les risques de manière itérative et incrémentale, alignant les préoccupations de sécurité sur les besoins métier.
L’un des principaux avantages des EUS est leur lisibilité. Elles traduisent les menaces en termes compréhensibles par toutes les parties prenantes : développeurs, Product Owners, mais aussi décideurs non techniques.
Identifier et mitiger les scénarios de risque
Chaque Evil User Story donne lieu à une réflexion approfondie sur les mécanismes d’attaque possibles et sur les parades à mettre en place. Cette démarche peut inclure :
- Brainstorming malveillant : imaginer les moyens concrets qu’un attaquant pourrait utiliser pour exploiter une faille. Par exemple, dans le cas d’un réseau social, un utilisateur malveillant pourrait exploiter des vulnérabilités de contrôle d’accès, et créer un faux compte imitant une personnalité connue ;
- Security User Stories (SUS) : pour chaque Evil User Story, des récits de sécurité sont rédigés, décrivant les mesures nécessaires pour contrer les scénarios identifiés. Dans l’exemple précédent, des SUS pourraient inclure l’ajout de vérifications d’identité renforcées lors de la création de comptes, et la mise en place d’un contrôle d’intégrité des publications ;
- Intégration au backlog : les tâches de sécurité associées aux SUS sont intégrées au backlog du projet, aux côtés des fonctionnalités métiers, et priorisées selon leur criticité.
Un outil d’amélioration continue
Les Evil User Stories ne se limitent pas à une simple étape de conception, elles accompagnent le cycle de vie du projet, et s’enrichissent au fil des itérations pour s’adapter à l’évolution des menaces. A chaque nouveau sprint, elles permettent de réévaluer les risques, de tester la robustesse des mécanismes en place et d’ajuster les stratégies de sécurité.
L’intégration de ces récits dans les processus agiles offre également un avantage pédagogique. En impliquant activement les développeurs dans l’élaboration des EUS, on les sensibilise aux enjeux de la cybersécurité et on les incite à adopter des réflexes de codage sécurisé.
Conclusion
Adopter une démarche DevSecOps, intégrant des principes comme le Shift Left et des rôles clés tels que les Security Champions, permet de transformer la sécurité en un véritable levier d'innovation. En anticipant les menaces et en favorisant une culture collaborative, les organisations peuvent non seulement protéger leurs actifs, mais aussi accélérer la mise sur le marché de solutions robustes et fiables. Cette synergie entre sécurité et développement dessine les contours d'une stratégie gagnante où la confiance devient un moteur d'innovation durable.
À propos : Le blog d'AlgoSecure est un espace sur lequel notre équipe toute entière peut s'exprimer. Notre personnel marketing et commercial vous donne des informations sur la vie et l'évolution de notre société spécialisée en sécurité sur Lyon. Nos consultants techniques, entre deux tests d'intrusion ou analyses de risque, vous donnent leur avis ainsi que des détails techniques sur l'exploitation d'une faille de sécurité informatique. Ils vous expliqueront également comment sécuriser votre système d'informations ou vos usages informatiques particuliers, avec autant de méthodologie et de pédagogie que possible. Vous souhaitez retrouver sur ce blog des informations spécifiques sur certains sujets techniques ? N'hésitez pas à nous en faire part via notre formulaire de contact, nous lirons vos idées avec attention. Laissez-vous guider par nos rédacteurs : Alexandre, Amine, Anas, Arnaud, Benjamin, Damien, Enzo, Eugénie, Fabien, Françoise, Gilles, Henri, Jean-Charles, Jean-Philippe, Jonathan, Joël, Joëlie, Julien, Jéromine, Lucas, Ludovic, Lyse, Nancy, Natacha, Nicolas, Pierre, PierreG, Quentin, Sébastien, Tristan, Yann, et bonne visite !